L’odorisation du gaz : quand, comment, pourquoi ?
"Ça sent le gaz" ? Oui mais… non ! Tout le monde ne le sait pas mais, comme l’argent, le gaz naturel n’a en fait pas d’odeur. On lui en donne une lors de l’entrée du produit sur le territoire français. Ce qui pose, maintenant que le marché du gaz est libéralisé, de sérieux problèmes en ce qui concerne les échanges internationaux.
Pourquoi le gaz sent-il ?
Le problème de la détection des fuites de gaz s’est posé après la Seconde Guerre mondiale, avec la création de GDF en 1946 et la commercialisation du gaz à usage domestique. Pour prévenir les risques d’explosion et d’asphyxie, il fallait donner aux particuliers un moyen de sentir quelque chose qui n’avait pas d’odeur.
Comme il n’y avait à l’époque qu’un seul opérateur national, le moyen a vite été trouvé : introduire des molécules odorantes neutres dans le gaz dès son entrée sur le territoire français ! Pour "choquer le nez" des consommateurs et les alerter du danger, il fallait une odeur désagréable. Inenvisageables donc, les odeurs fleuries, boisées ou fruitées : le mercaptan a été choisi pour sa forte odeur d’œuf pourri, avant d’être remplacé par le thiolane, qui possède les mêmes caractéristiques "olfactives".
Immanquable dans un appartement… et encore plus dans toute une zone géographique ! C’est ainsi qu’en janvier 2013, une fuite de produit odorifiant à Rouen a laissé croire à une énorme fuite de gaz dans tout le Nord-Ouest du pays, notamment en Île-de-France où les pompiers ont été débordés d’appels de panique.
L'odorisation du gaz : une méthode (presque) unique en Europe
Pourquoi cela pose problème aujourd’hui ? Parce qu’elle est finie l’époque où il n’y avait qu’un seul opérateur national ! Depuis la libéralisation du marché de l’énergie faisant suite aux directives européennes (la première date de 1996), les marchés européens sont de plus en plus interconnectés. Les transferts de gaz entre les pays, au gré des évolutions des prix, ont donc fortement augmenté.
Toutefois, en Europe, deux modèles d’odorisation du gaz co-existent :
- en France et en Espagne, elle est réalisée de manière centralisée, lors de son entrée sur le territoire, sur le réseau de transport des gazoducs ;
- dans le reste de l’Europe, elle a lieu plus loin sur le réseau, au niveau des points d’interconnexion transport-distribution (PITD).
Conséquence ? Le gaz - odorisé - ayant transité par l’hexagone ou l’Espagne ne répond plus aux normes des autres pays européens pour entrer sur leur réseau de transport. Ils refusent donc de le consommer. Un véritable frein à la libre circulation des flux de gaz, pourtant à l’origine de la volonté de la libéralisation du marché de l’énergie…
Alors, que faire ?
Pour permettre enfin une totale liberté de circulation du gaz en Europe, la France, à travers GRTgaz qui gère les gazoducs de l’Hexagone, étudie plusieurs pistes. La piste principale porte sur la généralisation du processus d’odorisation décentralisée du gaz aux points d’interconnexion transport-distribution. Ce projet, plus complexe et risqué du fait de l’acheminement du produit odorifiant par camion avant son injection sur le réseau de gaz naturel et plus coûteux en raison de la multiplication des postes d’odorisation, n’en est qu’à ses prémisses. Un pilote a été lancé cet automne par GRTgaz qui a pour but de tester la sécurité et évaluer le coût d’un tel dispositif à l’échelle du pays. Il s’agirait d’implanter 640 postes d’odorisation du gaz sur l’ensemble du territoire, pour un coût avoisinant les 240 millions d’euros d’ici 2022 (selon le plan décennal 2012-2022 de GRTgaz). Un dispositif toutefois indispensable pour favoriser les transferts entre la France et ses voisins européens.
Source de l'image à la Une : Flickr (Blue Square Thing)