Vers une interdiction d’exploiter des hydrocarbures en France
Début octobre, l’Assemblée nationale a adopté la mesure phare du premier projet de loi déposé par le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot : interdire l’exploitation des hydrocarbures en France d’ici 2040. Alors, loi choc ou plutôt symbolique ? Verra-t-on totalement disparaître les hydrocarbures de la liste des exploitations de la France ? Le maGAZine fait le point sur ce dossier !
Exploitation des hydrocarbures : ce que dit la loi
C’était la promesse la plus importante et symbolique de Nicolas Hulot, au moment de son entrée au Gouvernement : « laisser dans le sous-sol les réserves d’hydrocarbures disponibles ». C’est désormais chose faite : les députés ont adopté le texte relatif à la fin de l'exploitation des hydrocarbures au début du mois d’octobre, après un débat achevé… à plus d’une heure du matin.
Concrètement, plus aucun nouveau permis d’exploration ne sera accordé à compter de l’adoption définitive de la loi par le Parlement, d’ici la fin de 2017. La France se positionne ainsi en modèle au niveau mondial, devenant le deuxième pays après le Costa Rica à prendre une telle décision.
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Qu’est-ce que ça change ?
Dans l’immédiat, rien. La loi doit encore passer par les dernières étapes de la procédure parlementaire, et notamment être examinée par le Sénat et faire l’objet d’un décret d’application. Ce qui peut prendre plusieurs mois. Une fois ces étapes achevées, en revanche, aucun nouveau permis d’exploration d’hydrocarbures en France, qu’il soient liquides ou gazeux, ne sera accordé. Les concessions déjà accordées seront quant à elles limitées à 2040, et ne pourront pas être renouvelées au-delà de cette date.
Une exception toutefois à cette interdiction totale : le bassin de Lacq, situé dans les Pyrénées-Atlantiques. De l’hydrogène sulfuré est toujours extrait d’un ancien gisement de gaz naturel, mis à la retraite en 2013. Exporté à plus de 90 %, cet hydrogène assure l’emploi de plus de 750 personnes. Il est le seul à avoir fait l’objet d’un amendement adopté en même temps que la loi.
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Une loi jugée dangereuse par les industriels
Les industriels, pour leur part, sont vent debout contre cette loi interdisant l’exploitation des hydrocarbures. Pourquoi ? Parce qu’elle risque selon eux de faire exploser le taux d’importation de produits pétroliers et, de fait, l’émission de gaz à effet de serre.
« Ce projet de loi, pour nous, est dangereux et va engager le début de la fin d'un secteur industriel performant en France, en favorisant une importation accrue de produits pétroliers, assurait Francis Duseux, président de l'Ufip (Union française des industries pétrolières), à l’AFP en août dernier. Il n'aura aucun impact sur la consommation de pétrole et cela conduira à augmenter les émissions de gaz à effet de serre, puisque ce qu'on ne produit pas en France, il faudra l'importer et donc il y aura du CO2 émis au transport. »
L’Ufip craint également des conséquences désastreuses pour l’emploi et pour les budgets des collectivités locales. Ainsi que pour l’image de la France auprès des investisseurs étrangers.
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Le nécessaire développement des énergies alternatives
Reste que si la portée de la loi est avant tout symbolique (les hydrocarbures produits sur le territoire, avec 815 000 tonnes de pétrole par an, ne représentent qu’1 % de la consommation nationale), elle devra aussi et surtout s’accompagner d’un effort réel pour le développement des énergies alternatives. « Si le fait que nous n'arrivions pas à nous affranchir de ce 1 % a pour conséquence d'augmenter nos importations, alors cela voudra dire qu'on aura perdu », admettait ainsi Nicolas Hulot.
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C’est là que doit intervenir un autre volet de la feuille de route préparée par le ministre de la Transition écologique et solidaire. « On pourrait accélérer le développement des énergies renouvelables, mais il faut que je règle des problèmes de résistances qui sont des verrous largement supérieurs aux verrous économiques et financiers, expliquait, mi-septembre, Nicolas Hulot au journal Libération. Ce qui freine et parfois tue les filières et décourage les opérateurs, ce sont, par exemple, les recours qui s’éternisent. [...] Je suis en train de voir comment définir des dispositifs qui raccourcissent les procédures pour l’éolien et le solaire, sinon on n’y arrivera jamais. »
Un important volet de sensibilisation sera par ailleurs mis en place, notamment en direction des consommateurs. Par exemple, ceux-ci devraient être informés sur le type de gaz qui leur est fourni, dans l’espoir de développer le recours à la méthanisation et au biogaz.
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La loi d’interdiction de l'exploitation des hydrocarbures est importante dans sa symbolique, même si elle devra être accompagnée d’un véritable développement des énergies alternatives, notamment pour limiter son impact sur l’emploi. Pensez-vous qu’elle sera suffisante ? Craignez-vous qu’elle conduise à une hausse des importations ? Donnez-nous votre avis dans les commentaires !
Source image à la Une : Pixabay – Sundem