Une France autonome en gaz pour 2050 : utopie ou réalité ?

Et si la France, surfant sur la vague des énergies renouvelables avec entre autre le gaz renouvelable, faisait le pari de parvenir à l’indépendance gazière en 2050 ? L’ADEME s’est penchée sur la question dans le cadre d’une étude dont les résultats ont été publiés en janvier 2018. Quelles sont les scénarios envisagés ? Quelles conclusions en tirer ?

Sommaire

Une étude prospective sur un gaz vert 100% tricolore

La loi sur la transition énergétique fixe l’objectif de 10 % de biométhane circulant dans le réseau en 2030. Or, si le gaz vert connaît un succès grandissant encouragé par une réglementation de plus en plus incitative, il lui reste encore du chemin à parcourir ! Celui-ci ne représente actuellement que 1 % de la consommation de gaz nationale.

La France doit donc relever le défi d’une maîtrise de sa consommation énergétique accompagnée d’une diminution de ses émissions de gaz à effet de serre et du développement des énergies renouvelables. Dans ce contexte, le travail prospectif mené l’ADEME vise à étudier la faisabilité technique et économique d’un mix gazier 100 % renouvelable d’ici à 2050.

Pour y parvenir, l’agence s’est basée sur les prévisions de son scénario énergie-climat 2035-2050. Le périmètre de l’étude se limite au territoire métropolitain en tenant uniquement compte des ressources nationales. L’agence s’est également focalisée sur le gaz injecté dans le réseau, à l’exclusion de tout autre usage ou système énergétique.

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4 scénarios pour un mix de 75 à 100 % de gaz renouvelable

L’ADEME a formulé différentes hypothèses à partir des perspectives d’évolution des filières de production gazière. Elle a ainsi tenu compte d’une prochaine baisse de la demande en énergie, mais également des progrès réalisables en matière d’efficacité énergétique et de maîtrise de la consommation nationale.

L’agence a également retenu 3 filières bioénergétiques susceptibles de couvrir 100 % de la production gazière française :

  • la méthanisation ou valorisation énergétique de la biomasse (déchets organiques agricoles, alimentaires…) : 140 TWh annuels, soit 30 % de la production ;
  • la pyrogazéification ou production de méthane à partir de biomasse sèche (bois ou déchets conditionnés) : 180 TWh annuels, soit 40 % ;
  • le power-to-gas ou conversion d’électricité renouvelable en gaz de synthèse par électrolyse : 140 TWh annuels, soit 30 %.

Parmi ces méthodes de production, seule la méthanisation est déjà pleinement active avec 44 sites répartis sur le territoire. La pyrogazéification et le power-to-gas sont actuellement en phase de maturation.

À partir de ces pistes, l’ADEME a établi 4 scénarios autour d’un mix énergétique de 75 à 100 % « EnR & R » (énergies renouvelables et de récupération) :

  • 100 % EnR & R : il s’agirait de substituer une partie de la cogénération bois et chaleur par du gaz.
  • 100 % EnR & R avec pyrogazéification haute : ce scénario correspond à l’hypothèse d’une hausse de la demande de gaz. Il consisterait à renforcer la production de gaz renouvelable à partir d’une ressource bois.
  • 100 % EnR & R avec biomasse pour les usages gaz : les ressources en biomasse sont ici envisagées à 80 % de leur potentiel en prévision d’éventuelles difficultés (problème de mobilisation des ressources, retard de développement des filières…).
  • 75 % EnR & R : les 25 % restants seraient complétés par du gaz naturel.

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Un objectif réalisable… moyennant concessions !

L’autonomie en gaz renouvelable pour 2050 est-elle envisageable ? Oui, répond l’ADEME ! À condition cependant de consentir à certains efforts...

Au vu de l’évaluation actuelle des ressources mobilisables et du rendement de conversion, la France serait d’ores-et-déjà en mesure de produire jusqu’à 460 TWh de gaz renouvelable à partir de ses seules ressources. Un potentiel théorique qui flirte de très près avec le niveau de consommation actuel à l’échelle nationale.

Or, selon le scénario énergie-climat 2035-2040 de l’ADEME, la demande en gaz de réseau devrait diminuer dans les prochaines années pour se situer aux alentours de 300 TWh en 2050. Une demande de gaz comprise entre 276 et 361 TWh pourrait donc être entièrement satisfaite par du gaz renouvelable. Le pays devra cependant revoir sa consommation à la baisse pour coller aux prévisions de l’agence...

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Les consommateurs devront également accepter une hausse des coûts. Le prix d’un MWh de gaz renouvelable, en tenant compte des coûts de production, stockage et distribution, devrait ainsi se situer dans une fourchette comprise entre 116 et 153 € en fonction du scénario considéré. Une augmentation considérable puisque le prix d’un MWh de gaz naturel est actuellement compris entre 20 et 25 € !

Un grand plan d’amélioration de la filière de production sur l’ensemble du territoire devra par ailleurs être mise en place, ainsi que la construction de pas moins de 10 000 unités de production au cours des 3 prochaines décennies ! En contrepartie de ces efforts, la France enregistrerait une réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 63 millions de tonnes par an, et mettrait fin aux importations de gaz naturel.

L’autonomie gazière de la France en 2050 via le recours aux énergies renouvelables semble envisageable d’après l’ADEME ! Celle-ci aura cependant un coût et les consommateurs français devront accepter une diminution de leur consommation énergétique et une augmentation du prix de leur facture. Le défi sera donc de trouver un juste équilibre entre compétitivité, indépendance énergétique et lutte contre le réchauffement climatique lors de la mise en place de projets gaz vert 100 % français.

Image à la Une : Pixabay - lukasbieri