Méthanisation : comment est produit le bio-méthane ?
La méthanisation est un procédé naturel au cours duquel de la matière organique se dégrade sans oxygène produisant, entre autre, une certaine quantité de méthane. Une fois contrôlé et épuré, on aboutit à la production de “bio-méthane”, totalement similaire au gaz naturel classique et injectable dans les réseaux.
La rédaction du MaGAZine, s’est rendue dans une installation de production de bio-méthane afin de prendre la mesure de ce phénomène qui gagne en intensité en France (sans combler le retard pris sur nos voisins Allemands). On a donc sorti la GNV-Mobile du garage, puis pris l’A1 direction la Picardie du côté du village de Dommiers, à quelques encablures de Soissons. Faute de trouver le fameux vase, nous avons pu nous rabattre sur d’énormes cuves d’anaérobie !
Arrivés sur place, notre première impression est que ça ne sent pas mauvais... Pas le moins du monde… Nous nous attendions pourtant à être pris par des odeurs de décomposition sur un site prévu à cet effet. Nous sommes également étonnés par la taille et la configuration de l’installation. En particulier par l’espace de stockage des matières organiques prêtes à être réduites à l’état de gaz.
Le stockage
L’installation se compose de deux tiers d’espaces de stockages dédiés aux matières organiques ainsi qu'aux résidus de la méthanisation (les biens nommés “digestat”) et d’un tiers dédié à la production à proprement parlé.
La partie Stockage est composée de vastes boxs en béton à ciel ouvert, contenant l’ensemble des matériaux qui seront placés dans le méthaniseur.
Dans le cas du site de Dommiers, il n’était question que de matières végétales. De la pulpe de betterave à sucre essentiellement. Une fois séparée de son sucre, cette pulpe peut connaître une fin de vie heureuse dans la panse d’une vache ou dans sa version améliorée, un méthaniseur anaérobique dopé aux bactéries et aux intrants complémentaires ! (Tout ce qui est placé dans le méthaniseur est appelé “intrant”.)
Une fois séchée et pressée, la pulpe de betterave à sucre peut être conservée près d’un an.
L’enjeu des intrants
Avant d’aborder ce sujet complexe, qu’on ne fera de toute façon qu’effleurer, il faut garder à l’esprit que la méthanisation est un processus naturel. Régulièrement, de nouvelles combinaisons d’intrants sont essayées afin d’améliorer les rendements. Des essais qui peuvent parfois aboutir à des résultats surprenants, voire désastreux…
L’installation que nous avons visitée en a fait les frais. Pour avoir prudemment ajoutés à peine 200 kg d’un sous-produit du blé, au milieu de tonnes de pulpe de betterave, de dérivés de Maïs ou de Sorgho, ils ont réduit à néant toute une fournée de bio-méthane. En effet, les propriétaires de l’installation n’avaient pas prévu que de l’ammonium viendrait anéantir le relatif équilibre biologique à l’intérieur des cuves. Et pourtant, nous parlons d’agriculteurs et d’éleveurs rompus aux problèmes de biologie appliquée, pas de hipsters sortis du centre de Paris pour s'encanailler en Province à coups de gaz bio.
La méthanisation, par l’intensité des processus à l’oeuvre dans les cuves, nous rappelle que la nature n’est pas du genre à se laisser dompter facilement.
L'Alligator (trémie d'alimentation)
Cette machine est pourvue d’énormes mâchoires en acier qui broient 2 tonnes de matières par heure. Ces lames acérées doivent être régulièrement changées afin de maintenir un niveau d’efficacité satisfaisant.
Les matières broyées sont mélangées à une faible quantité d’eau et de digestat liquide au cours du processus afin de pouvoir être transportées via un tuyaux dans la première cuve de méthanisation (la cuve primaire).
Les cuves de méthanisation.
Au nombre de 3, elles ont pour fonction d’extraire un maximum de gaz des matières organiques. La 1ère cuve génère 80% du biogaz total, la seconde 18% et la dernière en bout de processus plus que 2%.
Les cuves sont remplies d’une mélasse organique en décomposition. Les cuves communiquent entre elles par le biais de tuyaux. Des vérifications sur la composition chimique du gaz produit par les cuves sont effectuées en permanence. La pression est également constamment contrôlée.
Fait intéressant : la pression à l’intérieur des cuves n’est pas très élevée. A peine 1,5 bar (soit 1,5 x la pression atmosphérique au niveau de la mer) ! En effet, le gaz est de toute façon destiné à être injecté dans le réseau. Les quantités stockées à un instant T ne sont jamais trop importantes.
Il est également très rare de se voir contraint d’utiliser le torchage, ce procédé visant à brûler du gaz à l’air libre (le relâcher directement dans l'atmosphère serait bien pire pour l’environnement). Dans le cadre de la production de ce site, un torchage revient à perdre plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Tous les contrôles ne sont pas automatisés, il est également possible de regarder directement à l’intérieur à l’aide d’un hublot.
L’activité bactérienne à l’intérieur des cuves génère une certaine quantité de chaleur. Mais cette dernière ne permet pas d’assurer la continuité du processus en cas de froid. En effet, il peut être nécessaire de réchauffer le contenu des cuves à l’aide d’un vaste réseau de tuyaux circulant à l’intérieur.
L’injection du gaz
Avant de rejoindre le réseau d’acheminement de gaz naturel, le biogaz doit être analysé et retravaillé. Les vannes ne s’ouvrent que si les divers critères de qualité sont scrupuleusement respectés. Ces opérations de vérification s’effectuent dans un petit laboratoire automatisé dans lequel le gaz parcours de multiples petits tuyaux fin le guidant à tel ou tel capteur pour analyse. Il y subit les mêmes tests que les astronautes : accéléré, freiné, comprimé, détendu, chauffé, refroidi et finalement filtré. Toutes ces opérations permettent de séparer certains composants nuisibles.
Le bio-méthane circule entre la cuve de stockage et la zone de traitement jusqu'à ce que la qualité soit suffisante pour qu'il soit injecté sur le réseau via un poste GRDF intégré au site.
La problématique des déchets
En partant de tonnes de matières organique végétale, il ne reste en fin de processus qu’un faible pourcentage de matière sous forme liquide (dans ce cas), qu’on appelle digestat. Il s'agit d'un engrais naturel riche en phosphore. Ce dernier est stocké dans de grands bassins étanches afin d’être distribué gracieusement aux agriculteurs aux alentours qui peuvent se servir de ses propriétés nutritives dans le cadre de leurs cultures.
Les producteurs de bio-méthane ne peuvent pas encore vendre leurs digestats car la réglementation ne le leur permet pas. Il semblerait que rédiger une réglementation sur ce sujet soit compliqué en raison des différences de compositions entre les digestats. La composition de ces derniers dépend de la composition des intrants et les intrants évoluent constamment à la recherche de la meilleure productivité.
Bilan
Après plusieurs mois d’exploitation, l’installation a trouvé son rythme de croisière. Avec un investissement initial d’un peu plus de 5 millions d’euros, le site de Dommiers produit 13 GW/h / an, de quoi alimenter en gaz environ 1800 foyers. Cette valorisation de sous-produits végétaux et du digestat renforce plus que jamais la maxime “rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”.
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