[Interview] Weathernews – Sophie Voirin : « La météo est responsable d’un tiers de la baisse de la consommation de gaz naturel »
Quel est l’impact des prévisions météorologiques sur le marché de l’énergie ? En quoi les deux sont-ils liés ? Quels enseignements tirer de l’hiver 2018-2019 ? Sophie Voirin, Directrice générale et météorologue de formation chez Weathernews, fait le point.
Pouvez-vous présenter Weathernews et ce que la société propose ?
Weathernews est une société de services météorologiques spécialisée dans la gestion opérationnelle de la météo-sensibilité des entreprises. Avec plus de 1 000 employés, elle fait partie des plus grandes sociétés privées de services météo dans le monde – elle est par ailleurs la plus grande société privée de services météo cotée en bourse –, et œuvre depuis plus de 30 ans. Début 2017, Weathernews a racheté Climpact-Metnext pour se développer en Europe : cette société est alors devenue Weathernews France.
Weathernews adresse plus de 40 marchés différents, sur lesquels la météo est très importante pour l’économie. C’est notamment le cas de la navigation maritime, aérienne, de l’énergie, la grande consommation… Weathernews France est en charge du développement et des opérations pour deux secteurs en particulier : l’énergie et les produits de grande consommation.
Quel y est votre rôle ?
Météorologue de formation, je travaille pour Weathernews depuis 2007. J’ai commencé par faire une thèse en hydrologie et météorologie, puis ai travaillé 10 ans chez Météo France dans des services de recherche puis des services opérationnels. Après quelques années en tant que responsable du pôle conseil, je suis devenue directrice générale de l’entité France de Weathernews et responsable des opérations pour les marchés de l’énergie et de la grande consommation pour l’Europe.
Quels sont les principaux enjeux rencontrés par vos clients ?
Nos clients ont besoin de prévisions très précises pour mener leur activité. Nous utilisons donc des technologies et une expertise météorologique de pointe pour répondre à leurs attentes. Nous avons également recours à des algorithmes qui permettent de corréler la météo et l’activité de nos clients. Nous pouvons ainsi leur proposer des outils d’aide à la décision pour optimiser leurs performances : anticiper des risques sur l’approvisionnement, équilibrer un portefeuille, un réseau, éviter des ruptures dans les magasins si l’on parle des produits de grande consommation…
Par exemple, dans le secteur de l’énergie, nous fournissons un service de prévision de la consommation et intégrons les données de consommation de nos clients dans nos systèmes en temps quasi-réel. Les prévisions sont mises à jour toutes les heures, et analysées par nos équipes composées de météorologues, data scientists, développeurs et consultants.
En quoi la météo influe sur le marché du gaz ?
L’impact de la météo sur ce marché se ressent à plusieurs niveaux. Déjà, sur l’aspect prévisionnel à court terme : les prévisions de consommation fournies aux transporteurs sont très fines puisque nous les fournissons au Point de comptage et d’estimation (PCE). Elles leur permettent d’équilibrer leur réseau et de communiquer l’information avec leurs fournisseurs.
Sur le plus long terme, jusqu’à 3 semaines, les prévisions formulées intègrent une notion de risque. Elles sont réalisées sur des zones plus agrégées que le PCE afin que le transporteur puisse savoir s’il risque d’être en rupture, et donc ajuster ses approvisionnements. Ces prévisions ont également une utilité côté trading, puisqu’elles offrent un éclairage sur l’anticipation de la demande et donc sur les prix du marché.
Enfin, la météo permet une meilleure compréhension du passé : nos clients ont en effet besoin comprendre l’évolution de leur business d’une année sur l’autre, et la part qu’a joué la météo peut être très importante. Les données que nous leur fournissons permettent ainsi d’évaluer l’évolution de leur marché, avec et sans effet météo.
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Comment est née la collaboration entre Weathernews et Gazprom ?
Nous faisons partie depuis plusieurs années du pôle d’experts de Gazprom : nous apportons notre expertise en météorologie et météo-sensibilité. Gazprom nous consulte pour participer à certaines conférences, par exemple, lors desquelles nous dressons le bilan d’une saison et ses conséquences sur la consommation de gaz naturel.
Du coup, pour l’hiver 2018-2019, quelles étaient-elles ?
La tendance à la consommation pour l’hiver 2018-2019 était à la baisse par rapport à l’hiver précédent. En cause, 2 facteurs :
- La météo, très douce, responsable d’un tiers de la baisse enregistrée. L’hiver 2018-2019 a été l’un des plus doux depuis 100 ans, et la tendance va persister avec le changement climatique. En février, sur certaines journées, on observait 20 °C d’écart entre les hivers 2017-2018 et 2018-2019 ! Conséquence : à Paris, la consommation a chuté de 13 % par rapport à l’hiver précédent.
- La conjoncture économique, avec la baisse de la consommation de gaz dans l’industrie. Durant l’hiver 2017-2018, le parc nucléaire français rencontrait des problèmes de maintenance. Les centrales de production à partir du gaz naturel ont donc été sollicitées pour les remplacer, ce qui a augmenté la consommation. Cette année, les centrales nucléaires ont bien fonctionné : les centrales à gaz ont donc moins été sollicitées.