Le mix énergétique mondial en 2023
Alors que 2021 marquait le retour de la croissance avec la sortie de la crise du Covid 19, l'année 2022 a vu le retour de la guerre en Europe avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Arrêtons-nous sur cette année de tous les dangers, au travers du prisme de l'énergie. Pour ce faire, nous allons nous appuyer sur les données parues au sein de l'Energy Institute's statistical review 2023 (qui prend le relais de BP), et analyser le mix énergétique mondial.
Quelle est la composition du mix énergétique mondial en 2022 ?
En moyenne, la consommation énergétique mondiale a connu une augmentation de l’ordre d’1% en 2022, dépassant ainsi de plus de 3% les chiffres pré-Covid, de 2019.
La part de la demande mondiale en termes d’énergies fossiles (Pétrole + Gaz Naturel + Charbon) demeure stable vis-à-vis de l’exercice annuel précédent - aux alentours de 82%.
Malgré cette constance statistique, il convient néanmoins de s’attarder sur les chiffres, et notamment sur les tendances.
- Même si le niveau de consommation mondiale de pétrole reste légèrement en-deçà de son niveau pré-Covid, il enregistre en 2022 une seconde année consécutive de hausse de sa demande.
- Les pays membres de l'OPEP représentent plus de 60% de l'augmentation de la production de pétrole en 2022.
- 2022 fut une année record pour les prix du gaz naturel en Europe ainsi qu’en Asie (TTF multiplié par 3 en Europe ; LNG spot asiatique doublé). C'est bien évidemment à la fois le retour de la guerre en Europe, et ses conséquences économiques directes, qui ont provoqué une crise d'approvisionnement sans précédent que l'Europe a pu contenir en diversifiant ses partenaires, en se reposant d'avantage sur le gaz naturel liquéfié, et en faisant preuve de sobriété.
- Les importations européennes de gaz par pipeline se sont effondrées de 35%, et en moyenne le trading de gaz naturel par pipeline a diminué de 15%. La demande en LNG s’est vue augmenter partout sur le globe (+5%) - mais c'est en Europe que cette demande a le plus progressée (+31% par rapport à 2021).
- Toutefois, le gaz naturel n’a pas été la seule source d’énergie ayant vu son prix exploser en 2022 - ce fut également le cas du charbon, avec une augmentation fulgurante de 145% en Europe, et de 45% au Japon. Malgré un niveau de prix démentiel, la part du charbon dans la consommation énergétique mondiale a sensiblement augmenté, enregistrant une hausse de 0.6%, qui flirt avec le pic de consommation de 2014.
Cette hausse est due à la Chine (+1%) et à l’Inde (+4%), qui collectivement ont su contrebalancer le déclin en consommation enregistré en même temps en Europe (-6.8%) et en Amérique du Nord (-3.1%). Ainsi, la production mondiale en charbon a connu une augmentation de 7% vis-à-vis des statistiques de l’année précédente (notamment drivée par les pays hors-OCDE).
- Alors que la consommation énergétique liée à des sources nucléaires ou hydroélectriques connaît une baisse (-4.8% d’output pour le nucléaire ; +0.7% pour l’hydro'), il est intéressant de relever la nette progression du renouvelable.
Les énergies renouvelables ont progressé de 14% en 2022, et elles ont pris 1% dans le mix énergétique mondial.
Cette progression est en particulier due aux énergies solaires et éoliennes, en plein essor en Chine actuellement.
Les énergies les plus en vogue par zones géographiques, selon le mix énergétique :
Les chiffres présentés cette année par l'Energy Institute témoignent d'une tendance énergétique mondialement généralisée, liée à un contexte géopolitique particulier et rentrant en contradiction avec les positions éco-responsables affichées par les différents gouvernements en matière de politiques environnementales.
Amérique du Nord
L’Amérique du Nord est une des seules parties du mon à avoir augmenté sa demande pour les énergies fossiles (la part du pétrole et du gaz naturel ont augmenté de respectivement 0.5 et 0.6 points par rapport à l’exercice précédent).
Cette augmentation parallèle est néanmoins parfaitement contrebalancée par une diminution du recours au charbon comme source d’énergie, qui voit sa part diminuer de plus d’un point au sein du mix énergétique de la région.
Ainsi, l’Amérique du Nord n’alourdit pas, en 2022, son empreinte carbone.
L'essor de l’emploi du gaz est somme toute logique, de par l’accroissement en popularité du GNL américain. De même pour le déclin du nucléaire (-0.5 point), lié à des questions politiques ainsi que du vieillissement des infrastructures en Amérique du Nord.
Il est néanmoins intéressant de souligner la hausse de la part du renouvelable (+0.5 point), qui vient combler le déficit généré par la baisse de la part du nucléaire.
Amérique Centrale et du Sud
Le reste du continent américain allège cette année son empreinte carbone.
Du fait du contexte de la guerre en Ukraine, la région troque - comme le reste du monde - l’usage du gaz naturel, pour du pétrole (-1.3 points pour la part du gaz au sein du mix, et +1.3 points pour celle du pétrole).
Le continent continue également sur sa lancée de production d’énergie bas carbone, en attribuant une plus grande place aux énergies vertes au sein de son mix (alors que la part du renouvelable reste constante, celle de l'hydraulique continue à progresser avec +1.4 points environ, qui viennent plus que combler le déficit causé par une baisse de l’emploi du charbon, diminuant de 1.2 points en 2022).
Europe
Compte tenu du contexte géopolitique, l’Europe se retrouve dans une situation complexe d’un point de vue énergétique en 2022.
La guerre en Ukraine, ainsi que les sanctions appliquées à la Russie, ont contraint la zone a remplacer une partie de son gaznaturel par du pétrole (ce qui se reflète dans le mix énergétique par une évolution de -2.4 points pour le gaz, vis-à-vis de +2.5 points pour l’usage du pétrole).
Plusieurs sources d’énergies neutres en carbone voient leur poids considérablement diminuer au sein du mix énergétique européen (-1.3 points pour le nucléaire, du fait de la maintenance d’un certain nombre de réacteurs en France ainsi que de la fermeture de 3 réacteurs en Allemagne (Philippsburg 2, Gundremmingen C et Grohnde); -0.8 point pour l’hydroélectrique).
L’Allemagne, autrefois fortement dépendante du gaz russe, a été contrainte en 2022 d’accentuer encore davantage son usage du charbon - ce qui s’est répercuté sur le mix énergétique local (+0.5 point par rapport à 2021).
Cela étant dit, l’Europe fait cette année partie des quelques zones géographiques connaissant un essor des énergies strictement renouvelables - elle est la zone qui a le plus progressé en la matière (+1.2 points, qui contrebalancent le creux laissé par le nucléaire et l’hydroélectrique).
Mais les problèmes liés au nucléaire, couplés au recul du gaz naturel, font que l’Europe dégrade malheureusement son empreinte carbone à l’issue de l'année 2022.
CIS (communauté des Etats Indépendants, ou anciens pays de la sphère Soviétique)
Pas de changement particulier parmi les CIS d’un point de vue énergétique en 2022.
La plupart des sources d’énergie conservent leur parts respectives de l’année dernière, si ce n’est le gaz naturel - qui recule de 2.8 points au sein du mix de la région au profit du pétrole (encore une fois à cause de la crise ukrainienne).
Moyen-Orient
En 2022, le Moyen-Orient connaît une flambée de sa consommation en pétrole - qui, d’une année sur l’autre, progresse de presque 3 points ; cette fulgurante progression se fait au détriment du gaz naturel, qui lui perd plus de 3 points en termes de parts au sein du mix énergétique de la zone.
Il est toutefois important de souligner que la baisse de consommation du gaz au Moyen-Orient n’est pas liée à un renoncement vis-à-vis de cette énergie particulière au sein de la région.
En effet, 2022 a non seulement marqué un essor du GNL américain, mais aussi des capacités de production du gaz naturel au Moyen-Orient. Ainsi, la zone témoigne toujours de son attrait envers le gaz, mais sous une autre forme.
Afrique
L’Afrique remplace des quantités de gaz naturel, ainsi que de charbon, par des apports en pétrole brut (l’emploi du gaz baisse de 0.7 point, et le charbon d’environ 1.5 points, alors que le pétrole gagne plus de 2 points de parts au sein du mix énergétique de la zone).
Asie du Pacifique
En termes d’empreinte carbone, l’Asie du Pacifique est cette année l’élève modèle.
Certes, il s’agit encore d’une région géographique à large dominante de charbon au sein de sa consommation énergétique, mais en 2022 la zone a remplacé des quantités de pétrole (-0.9 point) et de gaz naturel (-0.3 point) par du renouvelable (environ +1 point) et de l’hydroélectrique.
Cette progression du renouvelable est notamment due à des volontés de développement et d’expansion du solaire en Asie.
Alors que l’heure est à la transition énergétique, aux discours sur l’importance de la préservation du climat, et à l’impérativité de transitionner vers un mix énergétique mondial plus durable, la crise ukrainienne ainsi que les contextes politico-économiques lui étant liés ont démontré que la réalité est encore assez décorrélée des objectifs fixés.
De manière générale, l’empreinte carbone énergétique mondiale s’est alourdie, avec un recours massif aux énergies fossiles, et notamment au pétrole.