EMIR, REMIT et MIFID II : les nouvelles directives européennes en application

La crise des subprimes de 2008 avait été révélatrice d’un manque d’outils de surveillance des régulateurs leur permettant d’évaluer le risque de défaut - ou de contrepartie - sur une transaction financière. L’Union européenne a pris les mesures qui s’imposaient, impactant aussi les marchés de l’énergie. Les voici.

Sommaire

EMIR, pour la régulation et le reporting

Entrée en vigueur de façon progressive depuis 2012, l’EMIR (European markets infrastructure regulation) s’applique à toute entreprise qui effectue une transaction sur un produit dérivé installée dans un pays membre de l’UE, ainsi qu’à toutes les contreparties financières (les banques, les assureurs, les entreprises d’investissement…) et à certaines contreparties non financières - dont les énergéticiens qui ont des activités de trading dans leur secteur. Cette réglementation comporte deux obligations : la compensation et le reporting.

Il s’agit tout d’abord de mettre en place une chambre de compensation pour les produits dérivés échangés de gré à gré, comme les taux d’intérêt. Cette obligation implique de bloquer une partie du montant de la transaction que doivent fournir les deux parties d’une transaction sur un compte tiers, au cas où l’un des acteurs du contrat devait se retirer. Par ailleurs, chaque transaction doit être déclarée dans un temps imparti à un référentiel central agréé par l'ESMA, l’autorité européenne des marchés financiers : c’est le volet "reporting" de l’EMIR.

L’EMIR a des conséquences notables pour les acteurs financiers. Tout d’abord, cette directive impose une adaptation des systèmes d’information et des processus, afin qu’ils intègrent les nouveaux besoins de reporting. Le volet financier est à considérer également : l’immobilisation d’une partie des fonds sur un compte tiers peut constituer un handicap pour la direction commerciale, qui se retrouve avec une capacité d’achat et d’investissement limitée.

REMIT, pour la transparence sur les marchés énergétiques

Spécifique aux acteurs effectuant des transactions sur les marchés de gros de l’énergie, le règlement européen REMIT (Regulation on Energy Market Integrity and Transparency) est en place depuis 2010 et est applicable à l’ensemble des États membres. Il ne s’applique pas aux contrats de fourniture et distribution destinés aux clients finaux - à l’exception de ceux dont la consommation est supérieure à 600 GWh par an.

Son objectif ? Il est triple :

  • interdire les opérations d’initiés ;
  • interdire les manipulations de marché ;
  • augmenter la transparence et l’intégrité des marchés énergétiques afin d’améliorer la confiance et d’attirer de nouveaux entrants.

Il s’agit notamment d’obliger les acteurs de marché (fournisseurs, négociants, producteurs, consommateurs avec une consommation supérieure à 600 GWh par an) qui doivent par ailleurs s’enregistrer auprès du régulateur national, à rendre public en fournissant à l’ACER - l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie - et de l’Autorité de Régulation Nationale (la CRE en France) les données relatives à leurs transactions sur les marchés de gros de l’énergie ainsi que les informations relatives à la capacité et à l’utilisation des installations de production, de stockage, de consommation ou de transport.

Conséquence ? Depuis la mise en place de la directive REMIT, la bonne information des acteurs est renforcée. Mais tout cela présente deux inconvénients pour ces derniers : les coûts de support augmentent et le reporting peut s’avérer techniquement difficile à mettre en place.

Le MIFID II, pour des marchés financiers plus sûrs et efficaces

La directive MIFID II (Markets in Financial Instruments Directive) entrera en vigueur en janvier 2018. Il s’agit d’une extension au trading de matières premières du périmètre de MIFID I - limité à la banque. Elle répond à un triple objectif :

  • rendre les marchés financiers plus sûrs et plus efficaces ;
  • mieux protéger les investisseurs, en s’assurant qu’on leur propose des produits adaptés à leur profil et que leurs actifs restent bien protégés ;
  • limiter la spéculation sur les marchés de matières premières en agissant sur les positions qu’un trader pourra détenir.

Comment la directive MIFID II compte-elle atteindre ces objectifs ? Principalement, par l’encadrement des plateformes de négociation alternatives, qui sont réservées aux obligations, aux produits dérivés et aux produits financiers structurés. Avec la directive MIFID II, une grande majorité des sociétés d’échange d’énergie se verront réglementées comme si elles étaient des banques.

Mais l’ESMA doit encore déterminer si les entreprises énergétiques doivent être considérées comme des entités financières, et donc soumises aux règles qui s’y appliquent. Pour cela, elle met en place des tests d’évaluation, portant notamment sur les capitaux engagés dans les produits dérivés de matières premières - ils doivent être inférieurs à 5 % des capitaux de l’entreprise et représenter moins de 0,5 % du marché européen sur toutes les classes de matières premières.

Cette directive aura une autre vertu : différencier les échanges selon les risques commerciaux générés. En bref, l’ESMA souhaite vérifier si l’échange en question est une couverture ou une spéculation.

Conséquence pour les acteurs du marché ? L’obtention d’une licence MIFID passera par des exigences de capital plus élévées. Celles-ci pourraient finir par pousser de nombreuses sociétés hors du marché, réduisant, de fait, la liquidité des marchés énergétiques de gros…

Les marchés de l'énergie vont vers une plus grande transparence, tant au niveau de la réglementation avec ces nouvelles directives, qu'au niveau de l'information délivrée par les fournisseurs auprès de leurs acheteurs.

Source de l'image à la Une : Flickr (Santi Villamarín)