Projet d’un décret “rationnement” du gaz naturel

Afin de contrer les effets de la crise énergétique et de réduire les risques de pénurie, l'Europe prévoit d’être capable de réduire de 15% sa consommation de gaz naturel (7% pour la France). Chaque Etat membre est chargé d’établir les règles d’application sur son territoire national. La France est donc en train de concevoir un décret qui permettra de contribuer à atteindre ses objectifs de réduction de consommation. Le MaGAZine explore le projet d’un décret “rationnement” du gaz naturel.

Sommaire

A quoi servirait ce décret ?

Si vous avez parcouru le MaGAZine dernièrement vous avez peut-être vu passer cet article traitant de l'interruptibilité garantie, ou encore celui-ci décrivant la delestabilité. Ces deux dispositifs visent à réduire la consommation de gaz naturel sur une période donnée. On pourrait alors se demander à quoi servirait un troisième dispositif servant le même objectif.

En réalité, le décret de rationnement pensé par la France ne vise pas tout à fait le même objectif que les contrats d'interruptibilité ou la delestabilité. Ces derniers cherchent avant tout à contrer le risque de pointe de froid en hiver, c'est-à-dire permettre aux infrastructures de transport et de distribution d'avoir la capacité d'approvisionner les sites dits “prioritaires” au détriment de quelques sites gros consommateurs en cas de grand froid ponctuel. Le décret “rationnement”, quant à lui, chercherait plutôt à mener une action dans le temps afin de protéger les volumes disponibles.

Qui serait concerné par le décret ?

Tous les sites ayant consommé plus de 300 MWh en 2021 seraient concernés à l’exception des :

  • copropriétés, établissements d’hébergement, tout ce qui contient un public de particuliers.
  • chauffages urbains
  • établissements de santé ou scolaires
  • sites liés à la sécurité, à la défense ou à la gestion des déchets
  • établissements liés à la recherche
  • secteurs de l’agroalimentaire liés à l’industrie céréalière ou à l’élevage
  • sites historiques, les zoo
  • centrales à gaz et les terminaux méthaniers

Comment cela pourrait être mis en place ?

a) Phases préliminaires du projet de rationnement du gaz naturel

Dès la publication du décret, les gestionnaires de réseau (tels que GRTgaz, Terega ou GRDF) devraient dans un délai de quinze jours livrer la liste des sites éligibles au dispositif. Cette liste devrait comprendre a minima:

  • La consommation de référence de chaque site correspondant à la moyenne des 3 plus grandes consommations annuelles au cours des 5 dernières années.
  • La consommation de référence (après réduction), c’est-à-dire la consommation ciblée par le site en cas de déclenchement du dispositif. Le pourcentage de réduction de consommation sera fixé par le décret.

b) Le cas des sites consommant plus de 5 GWh par an.

Les sites consommant plus de 5 GWh/an pourraient bénéficier d’une certaine tolérance visant à protéger leur outil de production ou l’environnement. En effet, on ne peut pas nécessairement moduler ou arrêter sur demande la consommation énergétique d’un haut-fourneau ou d’un four à verre sous peine de casser le matériel. De même pour les producteurs de sucres de betterave, ne pas être en mesure de sécher le produit au moment où il doit l’être reviendrait à laisser pourrir dans la nature des tonnes de matières premières.

Les informations sur les sites consommant plus de 5 GWh/an sont en réalité celles collectées depuis le 17 octobre 2022 dans le cadre de l’enquête de “démarche simplifiée”. Il est prévu que les clients concernés puissent utiliser une plateforme permettant d’ajuster leurs “droits à consommer”.

c) Les pénalités potentielles du projet de rationnement du gaz naturel

Le décret devrait aussi revenir sur les pénalités infligées aux consommateurs qui ne respecteraient pas leurs obligations de réduction de consommation. Peu de choses ont filtré mais il semblerait simplement que ces pénalités soient proportionnelles au dépassement et que leur règlement doive passer par le fournisseur.

Le décret n’est pas encore publié mais témoigne d’une prise en main technique de l’Etat Français qui se donne la marge de manœuvre nécessaire pour pouvoir atteindre, si nécessaire, son objectif de réduction de consommation de 7%. Le nouveau dispositif pourrait être déclenché si les mesures incitatives de sobriété énergétique ne suffisaient pas.