Yamal, une usine de gaz liquéfié dans le désert polaire
En plein désert polaire, un projet titanesque a vu le jour : la construction de l’usine de gaz naturel liquéfié Yamal. Face aux conditions climatiques extrêmes et l'isolement géographique du site, comment les défis techniques et technologiques ont-ils été surmontés ? Retour sur cette prouesse inédite réalisée en l'espace de 5 ans.
La naissance du projet d'usine de gaz naturel liquéfié
Depuis les années 1950, la péninsule russe de Yamal, située à 2 500 km de Moscou et à 600 km au nord du cercle polaire, fait l'objet de diverses missions d'exploration pétrolières et gazières. Très rapidement, les scientifiques s'aperçoivent que le sous-sol de Yamal, recouvert par du pergélisol (sol gelé en profondeur et ne dégelant en surface que pendant l'été), possède des réserves de gaz naturel dans des quantités impressionnantes – les plus importantes de Russie.
Reliée d'abord à l'Europe par plusieurs gazoducs dont le Yamal-Europe, la zone a inspiré de nombreux projets de construction d’usine de gaz naturel liquéfié (GNL). Néanmoins, les tentatives ont échoué, faute de moyens nécessaires pour faire face à la complexité d’un tel chantier. Chemin faisant, et grâce aux innovations techniques sur la liquéfaction et la construction navale, le projet de faire sortir de terre une usine a finalement été décidé dès 2013 par Novatek. Total et deux autres entreprises chinoises, CNPC et Silk Road Fund, s'allieront à la société gazière russe pour financer le projet.
L'objectif à atteindre ? L'exploitation de plus de 16,5 millions de tonnes de GNL chaque année – correspondant à 4,6 milliards de barils équivalents pétrole – pour approvisionner les marchés européens (43 %) et asiatiques (54 %). Pour satisfaire cette cadence, 200 puits ont été forés et 3 trains de liquéfaction d'une capacité de 5,5 tonnes chacun ont été construits par Technip-FMC. Au total, le coût du projet s'élève à 22,5 milliards d'euros !
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Projet titanesque, logistique démesurée
Avant de construire l'usine d'extraction et de liquéfaction de gaz, une logistique démesurée a dû être mise en place. Objectif : rendre possible l’implantation de l'usine dans cet environnement hostile où les températures peuvent atteindre -50 °C et où la nuit polaire dure trois mois par an.
Des voies d'accès terrestres, maritimes et aériennes, mais aussi un camp de base intégrant des logements (32 000 lits) et des bureaux ont ainsi été construits. 142 modules fabriqués et pré-assemblés en Chine et en Indonésie ont été acheminés jusqu'au port de Sabetta. Un port à 6 quais qui complète l’aéroport international (5 vols par jour) de la plateforme régionale de transport du site, construite à partir de 2011.
Pour transporter le gaz naturel liquéfié dans ces conditions extrêmes, les partenaires du projet ont également encouragé le développement d'un méthanier brise-glace capable de transporter 172 600 m³ de gaz en traversant des épaisseurs de glace de 2,1 m. Au total, 15 navires de ce type seront progressivement mis en service d’ici 2019. Ils rejoindront l'Asie de mai à novembre via le détroit de Béring en 15 jours, et l'Europe pendant les mois d'hiver. À cette période, les méthaniers passeront par la Belgique, le détroit de Gibraltar, le canal de Suez et Malaga. Un transbordement du gaz sera par ailleurs réalisé à Zeebruges, en Belgique.
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Yamal GNL : une inauguration en décembre 2017
Quatre ans après le début du chantier, premier clap de fin pour les travaux avec la mise en route d'un premier train de liquéfaction. Un projet jugé « grandiose » par le Président russe, Vladimir Poutine, lors de l'inauguration du site Yamal GNL le 8 décembre 2017. Jean-Pierre Chevènement, invité à l’évènement et représentant spécial de la France en Russie, l’a par ailleurs qualifié de « prométhéen ».
À l’occasion de cette inauguration, la première cargaison de gaz naturel liquéfié issue du site a quitté le port de Sabetta à bord du méthanier brise-glace Christophe de Margerie pour rejoindre l'Asie via la route du Nord-Est en 15 jours.
Inaugurée en 2017, l’usine de Yamal GNL atteindra sa pleine capacité d’exploitation d’ici 2019, avec la mise en route de l'ensemble des trains de liquéfaction. Aujourd'hui, 95 % de la production a été vendue par anticipation dans le cadre de contrats sur 20 ou 25 ans, à un prix indexé sur les cours.
Plus confiant que jamais, Novatek élabore actuellement un second projet similaire à Yamal GNL, baptisé « Arctic 2 ». À terme, on peut s'attendre à ce que la péninsule soit recouverte de plateformes de forage, de gazoducs et de terminaux méthaniers.
Source image à la Une : Wikimedia Commons